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Déduction des abandons de créances : Rappels et Nouveautés


 

L’abandon de créances est le fait pour une entreprise de renoncer à percevoir ce qui lui était dû.

Fiscalement, renoncer au paiement d’une créance relève en principe d’une gestion anormale. Ce choix peut donc être sanctionné par l’Administration fiscale.

Pour autant, il convient de distinguer selon que l’abandon de créances est à caractère commercial ou financier.

Ce sujet est en plein cœur de l’actualité compte tenu de la crise économique qui frappe actuellement le pays.

Fournisseurs, bailleurs, vous êtes actuellement sollicités pour aider vos partenaires.

Au-delà de l’effort financier que cela représente, il est important d’en connaître le régime fiscal de manière générale mais également suite à la LF rectificative 2020 prise dans le cadre du Covid-19.

En effet, les avantages escomptés fiscalement pourraient vous convaincre de participer à l’effort de solidarité nationale.

A. Abandon de créance à caractère commercial

Les abandons de créances à caractère commercial sont ceux qui sont pratiqués dans le cadre d’une relation d’affaire.

En principe, ces abandons sont d’une part déductibles du revenu de celui qui consent l’abandon et d’autre part imposables pour le bénéficiaire de l’abandon.

La seule condition pour que cette règle s’applique est que l’abandon soit conforme à une gestion normale c’est-à-dire que celui qui consent l’abandon doit en retirer une contrepartie.

Ce peut être le maintien d’une relation d’affaires.

L’administration fiscale présume la gestion normale lorsque le bénéficiaire de cet abandon de créances est une entreprise en difficulté (bénéficiant d’un plan de sauvegarde ou de redressement), alors même qu’il n’y a aucune contrepartie pour le créancier.

B.  Abandon de créance à caractère financier

Les abandons de créance à caractère financier sont les abandons de créances pratiqués entre des sociétés liées par une détention capitalistique (sociétés mère et filiales).

En principe, ces abandons de créance ne sont d’une part pas déductibles pour le créancier et d’autre part taxables pour le bénéficiaire.

Toutefois, ceci doit être relativisé.

Côté créancier, l’abandon de créance est déductible à hauteur de la situation nette négative de la société.

Pour le surplus, il est déductible à proportion de la situation nette positive de la société correspondant à la participation des autres associés.

Côté bénéficiaire, l’abandon de créance même s’il fait partie des produits imposables de l’exercice, la société étant le plus souvent déficitaire, il y a de fortes chances qu’aucun impôt ne soit effectivement dû.

En outre, la société bénéficiaire pourra bénéficier d’une exonération de droit lorsque :

  • L’aide n’aura pas ouvert droit à déduction chez le créancier (société mère),
  • La participation dans la filiale ouvre droit au régime mère-fille,
  • Engagement de la société mère d’augmenter le capital de la fille avant la clôture du second exercice suivant l’aide (N+2),

C. Apport de la deuxième Loi de Finances rectificative 2020

La loi de finances rectificative promulguée le 25 avril 2020 prévoit en son article 3 une mesure exceptionnelle limitée à la période du 15 avril 2020 au 31 décembre 2020.

Cette mesure exceptionnelle ne vise que les relations bailleurs-locataires. Ainsi les abandons de créances relevant d’une autre relation sont soumis aux règles ci-dessus (cf. A et B).

Il est d’ailleurs rappelé qu’à ce jour, aucune mesure prise par le Gouvernement n’oblige les bailleurs à renoncer à leurs loyers.

  1. Bailleurs

Elle vise les bailleurs imposés en revenus fonciers, bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et bénéfices non-commerciaux (BNC) qui louent leurs biens à des entreprises.

Seuls sont visés les baux professionnels ou commerciaux. Les baux d’habitation ne sont pas concernés par cette mesure.

Les bailleurs qui renoncent à percevoir des loyers au cours de cette période en solidarité aux difficultés financières rencontrées par leurs locataires professionnels ne seront pas imposés sur les loyers qu’ils étaient supposés percevoir.

La distinction entre caractère commercial et financier n’intervient plus en premier plan.

Autrement dit, cet abandon de créance est déductible sous réserve de :

  • Dans le cas des revenus fonciers,

L’entreprise bénéficiaire ne doit pas avoir de lien de dépendance avec le bailleur au sens de l’article 39,12 du CGI (détention directe ou indirecte de la majorité du capital social de la société locataire ou bailleur et locataire détenus par une société tierce).

Si l’entreprise bénéficiaire de l’annulation des loyers est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, la non-imposition des loyers est subordonnée à la condition que le bailleur puisse justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l’entreprise locataire.

Le bailleur dispose néanmoins de la possibilité de déduire les charges foncières qui continuent à courir.

  • Dans le cas des BIC,

Le bailleur n’a plus à justifier d’une gestion normale, sauf si l’entreprise bénéficiaire a un lien de dépendance avec le bailleur au sens de l’article 39,12 du CGI (détention directe ou indirecte de la majorité du capital social de la société locataire ou bailleur et locataire détenus par une société tierce).

S’il y a un lien de dépendance, alors seuls les abandons de créance à caractère commercial et relevant d’une gestion commerciale normale sont déductible (cf. A), à moins que l’entreprise locataire ne soit en difficultés (cf. B).

  • Dans le cas des BNC,

Les règles prévues pour les BIC sont identiques.

Le bailleur dispose néanmoins de la possibilité de déduire les charges correspondantes.

  1. Locataires

Les locataires doivent constater un produit imposable venant compenser la charge de loyer correspondante.

La loi de finances rectificative est également venue modifier les règles relatives au report en avant des déficits subis par les sociétés imposées à l’impôt sur les sociétés.

En effet, la limite de déduction fixée par exercice est habituellement d’un million d’euros majorée de 50% du bénéfice.

Grâce à cette mesure, la limite d’un million d’euros est augmentée du montant de ces abandons de créances.

 

Le Gouvernement n’a pas la possibilité de s’immiscer dans les relations de droit privé relatives aux baux conclus. Toutefois, il espère que ce dispositif incitera les bailleurs à aider leurs locataires en difficulté.

Si vous vous interrogez sur la déductibilité des abandons de créances consentis dans le cadre de la crise actuelle, n’hésitez pas à prendre rendez-vous avec votre Avocat.

Manon Lauron

Avocat au Barreau de Castres

By | 2020-05-27T07:27:22+00:00 mai 27th, 2020|Fiscalité|