Contacter maintenant

Militaires, gare à votre assurance !


 

Historiquement, la protection des militaires puis des professionnels de la défense (police, gendarmerie, pompiers, etc…) était assurée au choix par l’AGPM (Association générale de prévoyance militaire) ou la GMPA (Groupement Militaire de Prévoyance des Armées).

D’autres assurances de la fonction publique au sens large proposent des assurances aux militaires et professionnels de la défense, mais ceci est marginal.

L’argument choc de ces assurances pour séduire les nouveaux adhérents est « par des militaires pour des militaires » sous-entendu « nous comprenons mieux que quiconque vos problématiques, vos inquiétudes et nous vous protègerons comme il se doit, faites-nous confiance ! »

Depuis fin 2019, ces deux associations Loi de 1901 ont créés en fusionnant, une association commune, TEGO.

Sont ainsi proposés par TEGO des supports d’assurance en matière de santé, prévoyance, dommages, épargne.

Le problème se pose de façon évidente : Quid de l’entente sur les prix que pourraient mettre en place AGPM et GMPA, au détriment des intérêts de leurs adhérents ? La vigilance s’impose.

Enfin, il est fort probable que la mutuelle UNEO, mutuelle institutionnelle des personnels de défense se joigne à l’association TEGO.

Ceci étant exposé, j’ai assisté et conseillé un militaire parachutiste, dans le cadre d’un contentieux l’opposant à son assureur suite à un accident de service.

Au final, il apparaît qu’aucun argument n’est nécessaire pour conduire les militaires à souscrire chez l’une ou l’autre de ces assurances.

En effet, dans le cas que je partage avec vous aujourd’hui, les militaires étaient « invités » à s’assurer auprès de ces organismes (AGPM et GMPA) présents à l’occasion de journées « balisées » pour faire leur promotion au sein du régiment.

Ces journées se clôturaient par la signature du contrat d’assurance, préalable indispensable, à la prise de fonctions au sein du régiment.

Le marché de l’assurance des militaires est donc dominé par ces deux assureurs.

En cours de vie du contrat d’assurance, les militaires modifient leurs contrats à l’occasion de changements relatifs à leur situation familiale ou de leur affectation.

En effet, avant tout départ en OPEX par exemple, le régiment organisait une journée en présence des représentants des assurances afin que les assurés puissent effectuer les modifications adéquates.

Attention, le régiment n’est pas responsable des agissements dénoncés ci-dessous, il facilite la vie de son personnel en conviant les assureurs au sein du régiment.

Il est autant victime que les assurés grugés, dans la mesure où l’ensemble du personnel militaire du régiment s’assure également auprès de ces organismes.

Cette situation met seulement en cause la qualité des conseils prodigués à nos militaires et la précarité des garanties qui leur sont offertes par les assurances.

En l’espèce, il était question d’un militaire parachutiste, membre d’une unité de combat.

Il souscrivit une assurance perte de prime lors de son intégration au sein du régiment.

Les militaires perçoivent une solde complétée par une ou des primes.

Les parachutistes perçoivent une solde (leur rémunération fixe) complétée par une prime TAP (troupes aéroportées) également fixe, voire par d’autres primes en fonction de leurs missions (primes occasionnelles).

Suite à un accident de service affectant son dos, ce militaire devenu inapte aux sauts en parachute et au port de charge, fût reclassé et perdit sa prime TAP.

Ainsi, naturellement, il sollicita son assureur et demanda le bénéfice de la garantie.

Contre toute attente son assureur lui refusa le bénéfice de la garantie, au motif que les « pathologies du rachis » étaient exclues de la garantie.

Comment proposer à un parachutiste une assurance perte de prime (dans ce cas prime TAP), tout en ne lui indiquant pas l’exclusion relative aux « pathologies du rachis » ou en ne lui proposant pas le rachat d’exclusion ?

Cette situation ubuesque amène à appréhender plusieurs exigences résultant du droit des contrats général, du droit des assurances et du droit de la consommation qui auraient dû être respectées dans le cadre de la conclusion de ce contrat :

1. Sur la responsabilité de l’assureur

 1.1 L’obligation précontractuelle d’information

L’obligation précontractuelle d’information est reconnue et affirmée avec force par la jurisprudence.

L’assureur a l’obligation de fournir au futur assuré un exemplaire du projet de contrat et ses pièces annexes ou une notice d’information, avant la conclusion du contrat.

Cette obligation est de résultat.

Plus précisément, il appartient à l’assureur, qui invoque à l’encontre de la victime d’un dommage et de son assuré des clauses de limitation de garantie figurant aux conditions générales du contrat, de prouver que ces dernières ont été portées à la connaissance du souscripteur lors de l’adhésion.

En l’espèce, l’assuré n’avait jamais reçu les conditions générales de son assurance, ni avant ni après la signature de son contrat.

A réception de la lettre de refus, l’assuré avait demandé la communication des conditions générales invoquées dans la lettre de refus (à savoir celles de 2014).

Or, l’assuré avait souscrit cette garantie en 2010 et conclu un avenant en 2012.

Dès lors, la police d’assurance de 2014 ne pouvait lui avoir été transmise au titre de l’obligation précontractuelle d’information.

Pire encore, lorsque l’assuré se connectait sur son espace adhérent, en ligne, la police d’assurance qu’il pouvait télécharger était celle de 2013, sans lien aucun avec les années de souscription ou de modification de son contrat.

Enfin, l’assureur en cours de contentieux avait tenté d’opposer à l’assuré les conditions de décembre 2011, correspondant selon lui au millésime en vigueur à la date de la modification du contrat.

Or, le millésime en vigueur à la date de la modification survenue en juin 2012 n’était plus celui-ci.

L’assureur essayait de faire feu de tout bois et changeait d’argumentation au gré de ses besoins.

La fluctuation des millésimes invoquées n’aurait eu aucune incidence pratique, si la rédaction de la clause d’exclusion relative aux pathologies du rachis n’était pas différente à chaque millésime.

Ainsi, l’assuré qui n’avait jamais reçu son exemplaire des conditions générales ne pouvait déterminer ni le millésime ni le contenu de la clause qui lui étaient réellement applicables.

Cet imbroglio juridique affectait nécessairement la compréhension de l’assuré et eut raison de l’assurance dans le conflit l’opposant au parachutiste.

En tout état de cause, l’assureur n’a jamais rapporté la preuve de la délivrance de l’information relative à la clause d’exclusion ou des conditions générales applicables au militaire lors de la souscription de son contrat.

Dès lors, l’assuré obtint gain de cause sur la base de ce manquement, mais il n’était qu’un moyen parmi d’autres présentés au juge dans le cadre de ce litige.

1.2 Sur l’obligation de conseil de l’assureur

Sans qu’aucun texte ne crée expressément une obligation de conseil à la charge de l’assureur, l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation, au visa de l’article 1147 du Code civil (désormais 1231-1 nouveau du Code civil), a consacré le devoir de conseil de l’assureur.

Ce devoir oblige l’assureur à vérifier l’adéquation des risques couverts avec la situation personnelle de l’assuré, concernant le contexte qui amène le prospect à vouloir s’assurer.

L’esprit de la jurisprudence, constante en la matière, est de rétablir l’équilibre existant entre les connaissances du sachant, ici l’assureur, et celle du profane, ici l’assuré donc le militaire.

Ceci érige la bonne foi de l’assureur en préalable indispensable à la relation contractuelle.

Dans le cas d’espèce, l’agent d’assurance présent au régiment le jour de la souscription n’avait pas jugé nécessaire d’avertir le parachutiste de l’existence de la clause d’exclusion relative aux pathologies du rachis.

Diantre ! Cela est-il si absurde d’imaginer un parachutiste souffrir d’une pathologie du dos ?

Il était du devoir de l’agent d’assurance d’attirer l’attention du parachutiste sur cette exclusion et de lui proposer le rachat de l’exclusion.

Il n’en a rien été.

Pire encore, le bulletin d’adhésion rempli lors de la souscription ne comportait aucune case « rachat d’exclusion », seulement une case identifiée par un acronyme IPPM.

Aucune traduction de cet acronyme n’était accessible lors de la signature du contrat.

Difficile dans ces conditions de croire à la bonne foi de l’assureur.

1.3 Sur la mise-en-œuvre de la responsabilité de l’assureur

Le manquement au devoir de conseil ou de de la délivrance des documents précontractuels engage la responsabilité de l’assureur sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Ceci suppose alors de démontrer la faute de l’assureur, le préjudice subi par l’assuré et le lien de causalité.

La preuve de l’exécution de l’obligation d’information et de conseil est à la charge du débiteur de cette obligation (l’assureur), conformément à l’article 1353 du Code civil.

La Cour de cassation met en place ainsi « une présomption d’inexécution fondée sur l’inaptitude d’un débiteur profane à prouver un fait négatif (le défaut total d’information) et l’aptitude corrélative du créancier à rapporter la preuve d’un fait positif (la fourniture de l’information) ».

Le dommage résulte dans ce cas de la perte de chance de souscrire au rachat d’exclusion.

La prescription abrégée biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances ne s’applique pas à l’action en responsabilité délictuelle engagée contre un agent général d’assurances, car elle ne dérive pas du contrat d’assurance.

C’est la prescription désormais quinquennale de l’article 2224 du Code civil qui s’appliquera.

Le point de départ de la prescription est la date à laquelle l’assuré a connaissance du manquement de l’assureur à ses obligations et du préjudice en résultant.

2. Le sort des clauses d’exclusion au sein d’un contrat d’assurance

Le droit des assurances régit le recours aux clauses d’exclusion de garantie.

Pour qu’une clause d’exclusion de garantie soit opposable à l’assuré, elle doit satisfaire à des conditions de fond et de forme.

La condition de fond impose à la clause d’exclusion d’être formelle et limitée. La jurisprudence précise encore qu’elle doit être « nette, précise, sans incertitude, pour que l’assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions il n’est pas garanti ».

La condition de forme impose au rédacteur du contrat de rédiger la clause d’exclusion de façon très apparente, afin d’attirer tout particulièrement l’attention de l’assuré sur cette clause.

Il a également été reconnu que les clauses qui par leur nombre ou leur étendue vident le contrat de sa substance et annulent pratiquement la garantie fournie par la police d’assurance ne sont pas limitées.

Le droit des assurances est là pour protéger les assurés d’éventuels excès pratiqués par les assureurs, encore faut-il, que les assurés se rendent compte que l’exclusion qui leur est opposée est abusive.

En l’espèce, le contrat stipulait que « toute pathologie du rachis » était exclue de la garantie.

De toute évidence, cette clause ne satisfaisait pas à l’exigence de limitation.

En tout état de cause, au regard des éléments sus-évoqués le refus de prise en charge de la perte de prime par l’assureur était abusif et ce au détriment des intérêts et des droits du militaire.

Ce qui vaut pour la garantie « Perte de prime » vaut pour toutes les autres garanties telles que la garantie perte de solde, garantie mutation, garantie OPEX-MCD, garanties optionnelles, option préjudice corporel suite à maladie, option spéciale mission, option indemnité résident à l’étranger, option rachat d’exclusion, dans la mesure où elles sont toutes régies par les mêmes conditions générales.

* * *

La morale de l’histoire, s’il doit y en avoir une est que les organismes d’assurance composés d’anciens militaires n’offrent pas une meilleure prise en charge des militaires.

Ceci est faux ! Ne croyez pas que leur présence au sein des régiments leur donne droit à une présomption de bonne foi et de bienveillance à votre égard.

Que pensez-vous de la clause d’exclusion qui figure dans chaque contrat de protection juridique et qui indique :

« Les recours contre l’Etat, le Ministère des Armées n’entrent pas dans le périmètre des garanties de votre contrat (notamment en matière de discipline, mutation, notation …) » ?

Mon message est donc le suivant :

  • A ceux qui n’ont pas encore eu à solliciter leur assureur, relisez vos contrats, étudiez-les au regard de votre situation et demandez-vous s’ils sont réellement adaptés à vos fonctions, à vos risques et à vos vies.
  • A ceux qui sont actuellement en situation de conflit avec leur assureur, ne vous avouez pas vaincu, il existe des solutions juridiques appropriées ! Faites appel à votre avocat.

Manon Lauron

Avocat au Barreau de Castres

 

By | 2020-04-10T07:53:09+00:00 avril 10th, 2020|Droit militaire|